Le souffle, le vent. L’image s’envole au loin, elle disparaît de notre mémoire. C’était il y a deux ans, le soir où Ibrahim Maalouf est venu à la Cinémathèque française jouer sa musique d’accompagnement du film de René Clair, La proie du vent. Un film muet réalisé en 1927.
Retenant son souffle, la salle écoutait Ibrahim Maalouf se mettre ainsi dans le rythme du film pour accompagner le souffle des images. Pari gagné ! Jazz + film muet, quelle jolie alliance, quelle douce manière de faire revenir jusqu’à nous le mystère silencieux du cinéma d’une autre époque.
Le film de René Clair peut se voir sans musique d’accompagnement. La musique d’Ibrahim Maalouf peut s’écouter seule, sans images. Mais la rencontre des deux crée un ensemble incroyable, une sorte de télescopage inédit, un spectacle live très émouvant du fait que la musique en un sens interprète le film, le prolonge, en débusque la rythmique, c’est-à-dire le montage. Ce soir-là, le spectateur avait le sentiment très rare de vivre le film.
En se pliant à cette contrainte de respecter le rythme de La Proie du vent, Ibrahim Maalouf fait œuvre de liberté. On sent à écouter sa musique le plaisir qu’il a de s’échapper, de faire l’école buissonnière, d’ajouter une tonalité orientale au film, comme pour accompagner plus loin encore les images de René Clair, vers des contrées inconnues. Ibrahim Maalouf n’a pas peur d’être tantôt mélancolique, tantôt gai et rapide, bref d’être moderne. Et c’est cette modernité musicale qui redonne du souffle à La Proie du vent.
Serge Toubiana